Portrait d’un artiste

La genèse de l’Atelier Grégoire Duchamp

Les premiers pas…

Je découvre dans l’atelier de vitrail de l’École Supérieure des Métiers d’Art d’Arras cet art qui me semblait alors totalement inaccessible. À la fois séduit et intimidé, j’ai voulu apprendre alors le travail si particulier du verre, ce matériau extrêmement dur, cassant et coupant qui ne se laisse pas transformer directement à la main mais exige toujours un outil.

Mon premier contact avec le vitrail lors de la visite de l’atelier m’a fasciné ! Je me souviens encore de l’atmosphère qui régnait dans cet atelier, le calme, la précision des gestes, une certaine lenteur ou du moins une absence de brusquerie dans les mouvements en particulier dans le maniement de grandes feuilles de verre ou de vitraux. J’ai pu voir, toucher des vitraux réalisés par les étudiants, observer et admirer le travail en cours, la découpe du verre, le montage au plomb…

Ma rencontre avec la matière m’a entraîné de surprise en surprise, je n’avais alors jamais coupé le moindre morceau de verre. J’ai découvert de nouvelles sensations, un toucher encore inconnu, un mélange d’une certaine facilité et de difficultés qui me paressaient infranchissables.

Malgré un enseignement graduel, l’étude du vitrail par la grande diversité des savoirs et maîtrises à acquérir réserve de nombreux obstacles. Car, le verre réagit d’une manière qui lui est propre et qui n’est pas aisée à comprendre, encore moins à anticiper, et c’est bien là son mystère et sa richesse !

L’apprentissage des techniques se faisant, je perçois autre que celle de la matière une nouvelle dimension du vitrail celle du travail de la lumière et de la transparence ! Je découvre les réactions inattendues de la lumière à travers différents verres… à travers les grisailles, les jaunes d’argent… à travers les irrégularités de la matière du verre thermoformé…

Au fil du temps, comme je ne découvrais mes vitraux qu’une fois terminé, parfois des déceptions, parfois des résultats inattendus vont m’entraîner vers une nouvelle direction. Une seule chose était sûre, rien ne se passait jamais comme je l’imaginais… Ce qui semble évident en matière de lumière est souvent faux.

L’émancipation

Je termine ma formation de trois ans avec de nombreuses interrogations. Celle du jeu de la lumière avec la matière est bien la plus cruciale: Comment comprendre la lumière ? … Comment maîtriser sa transformation ? … Comment imaginer le rendu d’un vitrail ? …

Et c’est en cherchant à répondre à ces questions que, depuis ma sortie de l’École en 2009, je poursuis mes recherches. Et innombrables, depuis lors, sont mes essais de peinture, de cuisson, de texture, de transformation de la transparence… Quant à savoir ce qui inspire ma recherche et mon travail il faut avouer que je fais un va-et-vient permanent entre deux types de fonctionnements :

Parfois une inspiration spontanée, la fulgurance d’une idée peut me venir de n’importe quelle situation, d’une réflexion entendue par hasard, d’un rêve, d’une sensation face à un événement, à une œuvre d’art en particulier d’œuvres en céramique. Je ne m’inspire jamais de vitraux ou de pièces en verre, je préfère me nourrir de sensations ou d’images du quotidien surtout lorsqu’elles sont spontanées et dont je ne m’en explique pas la provenance.

Parfois au contraire, l’inspiration me vient directement de la matière, du résultat d’une cuisson, d’un jeu de lumière sur une texture… Une matière me séduit, me pousse à poursuivre cette recherche esthétique. Ce qui contribue petit à petit à faire émerger une idée, un concept et parfois à réaliser une série. Ainsi après une série de tests, c’est une idée qui me poussera à trouver la meilleure technique. Comme bien souvent une idée influence une technique qui elle-même influence une nouvelle idée, ceci pendant parfois des mois, je ne sais plus au final quel était le point de départ. Chaque projet est lié plus ou moins aux autres, il explore simplement une autre direction.

Dans ma pratique comme pour mon inspiration, je m’attache à laisser s’exprimer une part de liberté et d’aléatoire associée à une part maîtrisée et voulue. Pour du vitrail selon la technique traditionnelle, je réalise, bien sûr, le carton à l’échelle définissant le graphisme des plombs, je choisis les verres, j’organise tout ce qui est indispensable à la réussite technique du futur vitrail. Je définis à l’avance une direction pour conserver la logique de la pièce. Par contre je me laisse une grande liberté dans la peinture, en particulier dans les motifs et les mouvements pour que mon travail conserve de la spontanéité. La cuisson des peintures, grisailles, jaunes d’argent parfois des émaux est définie à l’avance en fonction du type de fusion que je souhaite apporter à la création.

Pour mon travail lié aux techniques de cuisson, de nombreux essais sur la matière sont nécessaires. Je réalise par exemple des inclusions qui vont brûler ou se modifier à la chaleur. J’observe attentivement les résultats et essaie d’en comprendre la mécanique. Lorsque j’explore une nouvelle technique, je fais volontairement des erreurs, je sors de la pratique habituelle du verre afin de saisir les limites et de savoir quel point ne pas dépasser. Dans certaines pièces je flirte avec la limite pour provoquer des réactions intéressantes en prenant d’importantes précautions par ailleurs pour compenser les risques. Cette approche réserve parfois de bonnes surprises. Elle peut tout à la fois s’avérer passionnante et stressante, en particulier quand je ne trouve pas la solution à certains problèmes.

La transcendance

Aujourd’hui, mon travail s’appuie sur deux aspects complémentaires, le volet artistique pur et le volet inscrit dans le design et l’artisanat d’art. En effet, je traduis mes recherches les plus expérimentales, les plus poussées, les plus incertaines sous forme de sculptures ou de vitraux-tableaux. Ainsi j’apprends à maîtriser et à reproduire ces expériences. Pour certaines approches qui comportent une part d’aléatoire plus ou moins prononcée, j’établis un mode opératoire rigoureux afin d’optimiser les chances de réussite. De plus je participe régulièrement à des créations communes lors de collaborations avec des artistes ou des artisans travaillant d’autres médiums.

Mon travail d’artiste, visible à l’occasion d’expositions régulières, présente donc la pointe de mes recherches abouties. J’adapte ensuite ce travail dans un volet plus artisanal, à savoir la réalisation de pièces de verre destinées à l’architecture et au design, ce qui est la vocation de l’Atelier Grégoire Duchamp et l’objet de ce site.

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